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La Couleur racontée

Nemo Tral est l’auteur de notre élule du mois de juin, le magnifique Marchand de Bleu ! Il y a quelques jours, il a bien voulu nous rendre visite pour nous parler son projet, de superbes crayonnés sous le bras… Présentation d’un premier album très prometteur !

De l’architecture au dessin (et vice versa)

Parle-nous un peu de ton parcours ! Qu’est ce qui t’as mené jusqu’à la bande dessinée ?

Nemo Tral : J’ai fini mes études d’architecte en 2008, puis je suis parti au Canada pendant deux ans. À l’époque, je ne savais pas encore si je voulais faire du dessin mon métier, ou si je souhaitais rester dans l’architecture. J’ai essayé les deux, mais le dessin s’est vite imposé. J’ai donc monté quelques installations et expositions, et j’ai finalement été contacté par un musée londonien pour participer à un projet d’illustration de nouvelles avec 19 autres dessinateurs.

Je continue à créer des objets lumineux [dont vous pouvez trouver un aperçu ici N.D.L.R], mais j’avais envie de faire de la BD depuis longtemps. Je voulais continuer à explorer les mondes en ruines que je mets en scène dans mes panneaux lumineux, mais en prenant le temps d’imaginer la vie de leurs habitants. C’était une envie de longue date, j’ai 6 ou 7 scénarios dans les cartons, mais je n’avais jamais osé franchir le pas.

On ressent effectivement la continuité entre l’univers des Marchands de Bleu et tes travaux précédents. Quel a été le point de départ de cet univers ?

J’aime bien raconter des histoires de « gars qui marchent », de déambulations, d’exploration ! Le Bleu, ça m’est venu comme ça, peut être parce que c’est une couleur que j’utilise très souvent lorsque je fais des croquis. Je souhaitais construire mon histoire comme une succession de tableaux, qui permettent de traverser plusieurs micro-univers, où les gens vivent différemment.


Le déclic a peut être été La Horde du Contrevent, une histoire « de gars qui marchent » justement. C’est là que je me suis dit que ces histoires, où l’environnement est presque plus important que les personnages eux-mêmes, pouvaient être efficaces.

On suivra donc les déambulations de quatre marchands de Bleu…

Oui, il y aura bien quatre marchands, mais certains auront un parcours solitaire, d’autres se croiseront, et un dernier rythmera l’album en revenant en pointillés à plusieurs reprises. Il y aura également un prologue et un épilogue qui mettront en scène un personnage bien plus lointain, qui retrouve plusieurs siècles plus tard des traces de cette civilisation.

Pour l’instant, les marchands n’ont pas de noms, et je ne sais pas si je leur en donnerai finalement ! Il y a deux hommes et deux femmes, dont un couple. L’un d’eux possède un oiseau ce qui me permet de varier beaucoup les angles de vue. Celui qui rythme l’album par sa quête est le plus renfermé. Il a un but dont il ne démord pas et qu’il n'abandonnera pas. Les autres prennent le temps de découvrir ce qui les entoure, d'interagir avec leur environnement, de s’émerveiller.

Au début, je les ai imaginés comme des débutants, ce qui est pratique puisqu’ils découvriraient l’univers en même temps que le lecteur, mais ils me paraissent plus expérimentés désormais. Ils ont déjà fait plusieurs missions, mais ils ont toujours un regard neuf sur ce qu’ils voient, puisqu’ils se dirigent vers des endroits qu’ils n’ont pas encore découvert.

Un monde qui s’éteint

Quelles sont les caractéristiques de cet univers ?

C’est un monde qui s’éteint. Il y a des ruines, d’anciennes machines géantes qui rouillent dans la plaine, comme des carcasses de dinosaures. On ne sait pas exactement depuis combien de temps les choses sont telles qu’elles sont. Au milieu de tout cela, il existe toujours quelques communautés vivaces....

On rencontrera par exemple un « clan » organisant régulièrement de grands festivités et rencontres avec les clans voisins Les décisions sont prises en assemblée, et si blocage il y a, le clan à recours à la joute. Autour d’un grand feu, deux équipes se « battent » avec des éventails pour pousser le feu vers l’adversaire…Ce sont ces traditions actives et vivantes qui les maintiennent en vie au milieu d’un monde qui disparaît doucement.

Peux-tu nous présenter quelques lieux marquants de ton univers ?

Il y en a un en particulier que j’aime beaucoup. Une histoire qui se passe dans les cavernes, qui commence par une double page présentant une grande carte autour de laquelle les personnages débattent de la direction à prendre. Ils évoluent d’abord dans des passages extrêmement étroits mais richement décorés : on y trouve de grandes fresques qui racontent en partie l’histoire de ceux qui les ont peintes.

L’environnement se fait malgré tout oppressant. Puis ils débouchent sur des espaces beaucoup plus grands, où la lumière extérieure apparaît enfin… Et où ils rencontreront alors une communauté bien plus joyeuse et de bien meilleure compagnie que l’endroit ne l’aurait laissé présager.

Quelles ont été tes sources d’inspirations principales ?

D’abord La Horde du Contrevent qui a probablement été mon déclic comme je l‘ai dit. Ensuite, il y a beaucoup de Miyazaki, j’ai surtout été complètement retourné par Nausicaä de la Vallée du Vent, particulièrement par la version manga. Il y a également les gravures d’Henri Rivière, un artiste du XIXe siècle très influencé par Hokusai.

J’aime aussi beaucoup les planches de Druillet et de Schuiten, même si je ne sais pas si cela se ressent. Ce sont d’ailleurs Les Cités Obscures qui m’ont poussé vers l’architecture au début, puis de nouveau vers le dessin ! J’y ai aussi récupéré l’idée que l’environnement est un personnage à part entière, plus central au récit que le protagoniste.


Quelles techniques de dessin utilises-tu ?

Je n’aime pas m’enfermer dans une seule technique. Mes panneaux lumineux sont par exemple principalement réalisés au lavis, alors que pour la BD, j’ai travaillé les couleurs en numérique, à la tablette graphique, et sans encrage. Quelques éléments seront peut être encrés pour accentuer un peu leur présence, mais je préfère généralement garder le trait plus vibrant du crayonné. Quitte à changer légèrement les couleurs pour rendre le trait plus visible. Mais tout cela est encore un peu expérimental [rires].


Tu as donc fait beaucoup de recherches graphiques avant de te lancer ?

Pas tant que ça finalement. Au départ, j’ai travaillé quelques planches avec moins de couleurs. Je voulais qu’il n’y ait que le bleu qui ressorte mais j’ai vite trouvé ça un peu forcé. J’ai trouvé ce que je voulais très vite après cela. Et puis ça faisait longtemps que je travaillais avec une palette réduite pour mes panneaux lumineux, j’avais envie de mettre de la couleur!

Comment t’es-tu lancé dans l’aventure du financement participatif ?

D’abord, j’avais vraiment envie que le projet se fasse et ça m’embêtait de démarcher les éditeurs avec seulement 10 pages achevées. Je me suis aussi dit que j’aurais peut être plus de chance à démarcher les éditeurs avec un premier projet BD réalisé. Et puis depuis que j’expose, j’ai un petit groupe qui suit mon travail. J’aimais bien cette idée de projet « famille élargie », où l’on peut échanger assez facilement. Ça devient un peu collaboratif, c’est très bien pour avoir des avis et vu que c’est ma première BD, ça me motive beaucoup d’avoir un groupe qui suit l’avancée du projet, ça m’incite vraiment à avancer, je me sens moins seul face à ma planche !

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